Pour certaines, c’est déjà une nouveauté que d’être servie. Cela veut dire qu’elle est quelqu’un, reconnue pour qui elle est.

Hannah Arendt disait : « Pour être confirmée dans mon identité, je dépends entièrement des autres. »

Au vestiaire, il y a ce qui se dit, et tout ce qui ne se dit pas.

Mais nous devinons souvent l’histoire de ces personnes, au travers de leur choix, la façon dont elles choisissent ou pas tel ou tel vêtement, chaussures…

Il y a celles qui viennent pour un évènement particulier, telle cette maman venue d’Albanie avec son fils de 14 ans, reçu au conservatoire, et venue lui trouver une tenue correcte pour son audition de piano ; cette autre maman, envoyée par le Secours Populaire, ayant gagné un séjour à la montagne pour toute sa famille, et repartie avec un choix complet en plus des affaires de sports d’hiver, et qui ne savait plus comment nous remercier.

Il y a telle autre, arrivant d’un pays d’Afrique, avec un parcours difficile, un nouveau-né dans les bras, ayant laissé ses ainés au village.

Il y a celles qui vivent dans des hôtels, mal chauffés, venant s’habiller, trouver des draps, des vêtements chauds pour leurs enfants…

Il y a ces familles vivant dans la rue, avec des enfants tout petits, ne parlant pas forcément le français, accompagné par l’ainé de la famille qui parle un français très hésitant.

Il y a les celles qui viennent depuis longtemps, habitantes du quartier ou pas, et qui souhaiteraient habiller toute leur famille, enfants, gendres, petits-enfants…. C’est toujours difficile de leur expliquer que d’autres familles sont plus nécessiteuses qu’elles.

On ne pose pas forcément de questions, mais nous pouvons deviner le contexte de leur parcours à certains regards, une certaine tristesse ; mais aussi dans le choix des vêtements quand elles découvrent ce qu’est le froid, quand il faut apprendre à enfiler une paire de gants, à mettre des chaussettes dans une paire de bottes !… Parfois, c’est le fou-rire assuré !

La majorité de ces personnes se laissent guider dans leur choix, nous demandent notre avis, écoutent les conseils bienveillants de l’équipe d’accueil. Pour beaucoup, c’est un moment de plaisir, de détente, de convivialité. Elles repartent le plus souvent, très reconnaissantes, les bras chargés, pleines de courage pour continuer leur route.

Pour moi, accueillante au vestiaire des femmes, la mission qui m’a été confié est beaucoup plus que de donner des vêtements à des personnes nécessiteuses. C’est aussi partager un petit moment de convivialité, c’est aider à retrouver un sourire, c’est recevoir la confiance retrouvée, c’est accueillir les remerciements, les embrassades, les sourires et fous-rires…